WINTER VOYAGE OUT *

(Marc Aurèle, VII, 21)

Dans le sillage d’un Chariot, tout phare éteint,
À travers le miroir d’une lune sans tain,
Regard sans visage, planète, qui est-tu
Pour imprimer à mon erre comme un destin
La nostalgie de ce que l’on n’a pas vécu ?

Le temps s’écoule et chaque jour je meurs d’espoir.
Ariane mon frère, avais-je mis au noir
La voile de Tristan ou celle de Thésée ?
Plus d’un amour s’est anéanti pour n’avoir
Pas éclairci le message d’une risée.

Endigué le flot montant des larmes fossiles,
J’avais hissé le vent à la tête du mât,
Entassé sur le pont en un futile amas
La mémoire insidieuse et les rêves dociles ;
Pour creuser le sillon de la mer infertile ?

De la rive indécise où l’on s’est embarqué,
Entre le sol fuyant et l’horizon masqué,
Comment aurais-je su marquer l’itinéraire
De mouettes cailloux blancs pour annoncer la terre
Où l’on retrouve sa nature sur le quai ?

Lorsqu’on navigue à mille encablures de soi
Qu’on n’a pour se guider pas de foi ni de loi
Qu’au ciel de la raison les étoiles sont mortes
La dérive est sans trêve et la vague vous porte
Au parage où sévit l’invisible paroi.

Il fallait bien un jour que l’étrave heurtât
La falaise embrumée dans l’exil intérieur
Désarroi vertical d’insondable hauteur
D’où se projette en un obscur panorama
L’encombrement de la présence de l’ailleurs.

L’épave plonge et prolonge la route
Sous la dure aridité de l’humide voûte

Au fil de la grotte du désir pétrifié
Une barque sans nom poursuit la longue quête
Du souvenir de ce qui n’a jamais été
Fantôme de chagrin simulacre de fête
À la proue sont figées les glaces de l’été

Heureux le froid qui décourage la pensée
La sombre blancheur du stalactite imminent
Les reflets incertains de liquides traînées
Le perte de l’écho dans le brouillard du temps
Mêmement Toujours Jamais Indifféremment