Courage les fumistes
Prière de déposer ses cothurnes sur le seuil
La fumisterie n’est pas moins noire, à sa manière, que l’ébénisterie. Mais à la différence de l’ébéniste, le fumiste ne broie du noir que pour en tirer matière à rire, une matière éminemment volatile.
Faut-il y ranger les cyniques ? – la question fait problème.
Certains manuels, qui n’usent de leur main que pour tenir la plume, ont prétendu la mettre à l’école cynico-stoïcienne.
C’est vouloir marier l’eau avec le feu : un vrai cynique est un fumiste authentique, qui ne donne à voir le bois dont il se chauffe que pour prêter à rire, sans se soucier de savoir qui le lui rendra.
Ses descendants supposés ne sont que des stoïchiens, tout juste bons à salir les galeries où on a eu l’imprudence de les laisser entrer : avec leur devoir à la bouche, sans craindre d’assumer (librement, fatalement, ou les deux ?) le rôle de sénateur ou d’empereur, voire de pape, si l’occasion s’y prête, ils n’ont de ridicule que la prétention.
Ceux-là ne se font pas faute de chercher midi à quatorze heures.
C’est, pour creuser plus profond, qu’il y a deux sortes de cyniques.
Les cyniques naturels sont ceux qui font leur trou au soleil et les chiens sur la place publique, laquelle tenait encore lieu de Prince, y vaquent sans maître ni collier, la souillent et ne rapportent rien, sinon des ragots : ce sont des cyniques incultes.
Propres sur eux, attentifs aux convenances et hiérarchies, les cyniques cultivés sont, tels les immeubles, des cyniques de rapport, ceux dont la chiennerie rapporte, en richesse ou en pouvoir. C’est d’eux qu’ont hérité les Stoïciens : de là tout leur Bien.
Nous tiendra-t-on rigueur d’avoir un faible pour les premiers ?
D’autant qu’on pourra aussi compter sur les chats pour faire la différence, et au besoin le ménage.
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