Vingt ans après

Comme le publiait de son côté il y a peu un fameux hebdomadaire satirique, la présente conjoncture me rappelle singulièrement le pétainisme triomphant de la défaite de 1940, pour lequel on s'était quelques années plus tard, sans juger utile, et pour causes, de prononcer en l'occurrence le nom d'Alzheimer, contenté de trouver à son exécutant la belle excuse du gâtisme, et de lui procurer du coup la jouissance à vie d'un règne incontesté sur une île à peine moins vaseuse.

Ce ne sera pas le cas cent ans plus tard, malheureusement pour celui qui est censé présider pour l'heure à nos destinées, lors de la débâcle des armées françaises face à la coalition eudoxique de Presbourg rassemblant les forces mezzo-danubienne, croato-balkanique, anatolienne, et à jamais netanyahouste, exigeant que soit procédé sur le territoire de l'hexagone au confinement sous barbelés, en attendant leur dépérissement naturel, des romanichels dont les déplacements perpétuels et incontrôlables provoquent sans cesse la propagation des pires épidémies, et à l'euthanasie des petits félidés qui font l'essentiel de leur nourriture, et dont la chair pourra au reste faire l'objet de confection de boites d'un savoureux pâté permettant de prolonger de quelques semaines le fonctionnement de diverses zentreprises et la rémunération de plusieurs dizaines de salariés, susceptibles de s'en nourrir eux-mêmes pour quelque temps à bon compte.

Plus jeune alors de vingt ans que son illustre prédécesseur et modèle, notre ancien chef de l'état de choses maléficiera alors de l'imputation de pleine responsabilité de son retour au pouvoir et de ce qui s'ensuivra : convaincu en conscience de la mission qui lui incombait de sauver la patrie et ses sujets d'un esclavage inéluctable en leur faisant le don de sa propre personne, il se fera un devoir de prendre à son tour la direction des fragments du territoire dont les occupants n'auront pas jugé utile de s'encombrer, en situant pour la circonstance à La Bourboule, Allègre, ou autre ville d'eau appropriée sa capitale, avec ses sbires, ses périodiques et ses harems à lui, ses journalistes et autres penseurs, artistes et scripteurs attitrés, quitte à se résoudre par la suite à entrer tous ensemble dans la voie de la collaboration, terme qui aura du reste bien du mal à se débarrasser de la connotation fâcheuse léguée par cette vicissitude.

Ceux d'entre eux qui subsisteront après que les étrangers auront été amenés à renoncer à une occupation insuffisamment rémunératrice aux yeux de leurs zentreprises et à leurs propres yeux, devront bien se résigner à organiser à leur tour une procédure faisant office de procès, à l'issue de laquelle, faute de peine capitale à l'ancienne mode, il faudra bien se rabattre sur l'expédition en période appropriée du dirigeant déchu dans ce qui aura pu subsister de la jungle guyanaise, en compagnie seulement des fauves et reptiles qui la peuplent et sauront l'en dépeupler, à l'exclusion de toute escorte d'allure humaine composée d'individus sensibles à son bagout qui seraient susceptibles de le pavoiser sur leurs épaules jusqu'à la contrée voisine de bolsonarie instituée peu auparavant à titre de repoussoir exemplaire par la communauté internationale respectueuse des convenances, où lui serait conférée, à ses yeux et ceux de ces nouveaux sectateurs, l'occasion de justifier ses choix antérieurs.

Un des problèmes majeurs de l'organisation du procès aura bien sûr résidé dans la composition du Tribunal : contrairement à ce qui avait pu se produire quatre-vingt-quinze ans plus tôt, on ne pouvait désormais en recruter les membres que parmi les collaborateurs et émules aux petits pieds de Son Indignité ; plumitifs, éditorialistes, artistes auto ou hétéroproclamés, qui n'auront guère à se prévaloir que de l'excuse de minabilité ; on n'aura certes pour ce faire que l'embarras d'un choix dont les critères seront singulièrement épineux — mais après tout, calculateur, ou danseur, qu'importe : tout s'oublie vite, telle est, sans plus, la morale à tirer de l'histoire.